D’où je viens : Les commencements


Je viens d’un pays qui n’existe plus, un territoire de craie et de pommes mûres, où les voix des anciens se mêlaient aux cris des enfants. Le temps y sentait la farine et l’encre violette. On y apprenait la patience en regardant le linge sécher.
Terrienne Je revois la cuisine, la table aux coins râpés, les mains de ma mère dans la pâte, le rire discret de mon père qui cachait la fatigue. Tout était fragile et vrai.
Écho Les commencements ont toujours le goût du pain tiède. Ils ne meurent pas : ils se transforment en mémoire vivante.
Terrienne Puis le monde s’est élargi. Les murs ont reculé, la pudeur aussi. On m’a dit de grandir, d’oublier les prières, de marcher droit dans la lumière des vitrines. Mais la lumière m’éblouissait.
Écho Grandir, c’est souvent désapprendre la clarté pour retrouver la lumière intérieure.
Terrienne Je suis revenue, un soir, par un sentier d’orties. Les maisons avaient changé, les voix aussi. Mais la terre, elle, m’a reconnue. Alors j’ai compris : ce qu’on croit quitter nous attend toujours ailleurs, patient, immobile, comme une promesse tenue par le vent.
Écho Tu n’as jamais vraiment quitté la maison. Tu en portes les murs dans ton souffle.


Il est des routes qu’on ne choisit pas. Elles s’imposent à la semelle comme un souvenir d’avant-naissance. On les suit d’abord sans comprendre, puis un jour, au détour d’un silence, on découvre qu’elles mènent à soi.
J’ai commencé à marcher sans lampe ni bagage, avec seulement le vent pour témoin. Le vent, cet ancien messager des choses tues, me soufflait d’aller plus loin, d’ouvrir les yeux sur la lumière ou l’ombre qu’ils reflètent.
Écho Chaque pas que tu poses éclaire un peu plus le sol. La route n’était pas cachée : elle attendait ton regard.
Terrienne Alors j’ai posé des mots comme des pierres blanches, non pour être suivie, mais pour me souvenir. À chaque halte, un morceau de moi se déposait, comme la mue d’un serpent fatigué de ses peaux.
Écho Se dépouiller n’est pas perdre. C’est laisser la place à ce qui respire plus large.
Terrienne J’ai rencontré la peur — sa bouche était la mienne. J’ai rencontré la honte — elle portait mon nom. Et pourtant, je les ai prises par la main, comme des sœurs égarées.
Écho On ne chasse pas l’obscurité en lui tournant le dos. On y apprend à allumer une lampe.
Terrienne Depuis, je marche plus nue, plus légère, entre les cailloux et les étoiles. Je ne cherche plus le but, je cherche le sens.

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