Les poupées qu’on pend et les monstres qu’on invite à dîner




On s’indigne, on partage, on moralise.
Aujourd’hui, c’est Shein qu’on crucifie : scandale, des poupées “pédopornographiques” seraient vendues en ligne. Alerte rouge, torches vertueuses allumées, tout le monde joue les chevaliers blancs du numérique. Sauf que pendant qu’on agite la bannière du Bien, les mêmes poupées sommeillent depuis des années dans les arrière-boutiques de nos sex-shops occidentaux, bien au chaud sous d’autres noms. Ce n’est pas la morale qui parle, c’est la géopolitique du commerce : taper sur le dragon chinois, maintenant qu’il flirte avec l’ours russe, c’est tendance.
Avant, quand il cousait nos baskets et assemblait nos smartphones, “on” n’y voyait aucun inconvénient. Et puis, avouons-le : l’indignation sélective, c’est plus confortable. On préfère dénoncer une poupée que questionner les poisons légaux qu’on ingère à chaque repas.
Les additifs, les pesticides, les ultratransformés ? Pas de problème : ça rapporte.
Mais une poupée en silicone ? Sacrilège ! Ce puritanisme de façade lave la conscience, pas le monde. Il donne l’illusion de la vertu tout en laissant les vrais monstres — ceux qui violent, manipulent, exploitent — s’asseoir à la table du pouvoir, bien peignés, bien cités. Alors oui, indignons-nous, mais pas à crédit.
Le danger n’est pas dans la poupée qu’on pend à la place du coupable ; il est dans le mensonge collectif qui nous fait croire qu’en la détruisant, nous sommes devenus meilleurs. ✶ Les Lucioles veillent, même quand le ciel s’éteint. ✶ 
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